Le titre : "Modeste contribution"
s'est vu affublé, par l'auteur,
de ce sous titre :

"Modeste contribution
à la nécessaire rénovation des voies, modes et moyens
de sanction des crimes et délits
en vue d’assainir les déviances comportementales humaines,
de manière à protéger la société des délinquants récidivistes et rédhibitoires,
avec l’effet surérogatoire d’humaniser les lourdes peines
en organisant l’espérance d’échapper aux sentences inéluctables"

Les origines :

L'idée de ce texte m'est venue suite à cette prise de position d'un grand clown :

"Je ne pense pas que la peine de mort,
ce soit la barbarie… Je ne pense pas…
Il n’empêche, on ne peut pas être pour la peine de mort,
parce qu’on dit à quelqu’un
« la mort est certaine et l’heure est certaine »
et ça, c’est invivable !"
Alain Finckielkraut (France Inter le 10 novembre 2007)

Pour l'écouter braire cette ânerie, cliquez ici.
Pour votre information : le journaliste demande "Si la mort est certitude, comment faites vous pour qu'elle ne soit pas servitude ?".
J'ai pas trop compris en quoi la réponse répond à la question, mais ça, c'est encore une autre affaire. Avec les grands clowns, on ne comprend pas toujours tout, nous autres les petites gens.

Résumé :

Un politicien, bien d’aujourd’hui, est invité à la télévision  pour présenter sa réforme du code pénal qui consiste dans le retour de la peine de mort.
Il ne s’agit pas, pour lui, de réintroduire la peine de mort pour punir les crimes les plus barbares et les plus exceptionnels…
Non.
Il entend remplacer l’ensemble des dispositions pénales prévues pour les crimes, les délits voire les infractions par la peine de mort comme unique châtiment pour toute faute.
Plus succinct et plus efficace encore que le décalogue.
Tout aussi messianique.
Dans le but très clair d’être parfaitement pédagogique et humainement respectueux….
De longues études lui ont permis de trouver un nouveau système de mise à mort humaniste. Pense-t-il.
Le tout dans un nouveau fonctionnement économique qui fera que le prix de la sanction ne sera plus payé par le Contribuable, mais par le Condamné lui-même, sans qu’il soit à craindre aucune insolvabilité de ceux-ci…

Il répondra à toutes les questions d'une assemblée médusée...

Distribution :

L'intervenant
La présentatrice

Publication - Prix :

Aide à la création du Centre National du Théâtre (CNT) - ministère de la Culture 2008.
Publié chez Actes-Sud/Papiers - septembre 2010

Un point de vue, celui de la LDH :

Pour mieux dénoncer l’esclavage, Montesquieu, dans l’ “Esprit des Lois”,
feint d’en être partisan et développe des arguments en sa faveur
avec une logique apparente qui débouche sur l’absurde.
C’est cette ironie au deuxième degré qu’à l’instar d’Alfred Jarry
dans “Ubu-Roi” ou de Pierre Dac,
Dominique Wittorski utilise à son tour  dans sa “Modeste contribution...” :
il fait l’apologie de la peine de mort
pour mieux démontrer l’inanité des propos des partisans de son rétablissement.
Une fois posée l’affirmation de départ
(Le rétablissement de la peine de mort ne doit se faire ni pour la justice, ni pour la vengeance),
l’orateur développe un raisonnement rigoureux et complexe
qui dissimule (et révèle en même temps) le simplisme de sa pensée.
Le discours, avec une implacable logique, abordera bien des thèmes :
certains, comme la “loi”, les “sanctions” ou la “prévention” liés évidemment au sujet,
mais d’autres sensiblement plus éloignés: l’ “obésité”, l’ “hygiène” ou les “O.G.M.”;
l’ “autorité” , les “crimes” et la “rédemption”, certes,
mais aussi le “cholestérol”, la “Bible” et la “transplantation d’organes” ;
on verra les conséquences de la “rénovation des voies, modes et moyens de sanction des crimes et délits”
dans des domaines comme la “morale”, le “sacré”, l’honnêteté” ou encore le “pouvoir”, le “progrès”,
l’ “économie de marché”.
Sans oublier la “paix sociale” !
Délire verbal?
En fait l’auditeur prend vite conscience du réalisme du texte :
la plupart des phrases énoncées pourraient avoir été vraiment dites ;
on a l’impression d’avoir déjà entendu beaucoup des opinions avancées.
Peut-être même certaines des “idées” de l’orateur sont-elles enfouies au fond de nous.
Ce discours ne s’adresse pas qu’aux autres!

Ligue des Droits de l'Homme
Section de Chaumont Haute-Marne

Notes d'intention de l'auteur :

Point n’est besoin, je pense,
de m’étendre longuement sur les visées critiques d’un  tel texte
qui compte ridiculiser les attitudes politiques démagogiques
que l’on subit quotidiennement aujourd’hui,
et qui ont pour fruit une radicalisation des propos de comptoirs,
propos et démagogie qui s’appuient sur le fait que
la pensée simpliste mais percutante remplace la réflexion et l’humanité.
Au profit de quelques uns.

Il s’agit d’une harangue pamphlétaire
qui trouve son inspiration au milieu d’un chemin qui relie
Jonathan Swift  au « Carnet du sous-sol » de Dostoïevski.
Si le fond est acerbe et critique, le ton est docte et  placide,
le personnage semble très documenté.
Il faut du doigté pour que la charge ne vire pas à la gaudriole
mais reste glaçante de réalité médiatique…
avec une implacable rigueur,
afin de faire surgir l’horreur du fond dans la drôlerie de la forme

Notes dramaturgiques :

 

La forme monologuée

Il m’est apparu inutile de donner une représentation réaliste d’une chambre parlementaire, avec son cortège de députés dans des postures qui apparaîtraient comme autant de clichés (gauche droite etc…). Composition de dialogues forcément dialectique, avec claquements de tablettes pour exprimer défiance ou refus. Cette forme caricaturale déforcerait le propos.

Le monologue s’est alors imposé. Et avec la plus grande force. Parce qu’aujourd’hui, nous le constatons, un habile politique fait les questions et les réponses, prêtant à ses opposants des propos et des pensées qu’ils n’ont pas forcément mais que chacun est prêt à leur attribuer. C’est le leader politique qui conduit son auditoire par d’habiles travers à ne concevoir que les questions auquel il souhaite répondre, et à se laisser entortiller par elles.

C’était un motif de moquerie au sujet du général de Gaulle : il faisait questions et réponses devant des journalistes silencieux. On a pu penser un temps que ces comportements dataient de l’ORTF. Mais il faut bien constater aujourd’hui que les stratégies oratoires passent par cette même forme rhétorique. Répondre à des questions que personne ne pose, et présenter ces questions comme les plus urgentes et les plus communément répandues (« Les français ne veulent pas… »).

Un tel tribun, c’est le mien ici, n’a pas besoin d’un véritable auditoire réactif. Au contraire. On constate d’ailleurs quotidiennement qu’il organise le silence pour tenir le crachoir à lui seul, tout en feignant être dans le dialogue permanent (« on me dit que… » « on me reproche… » « on voudrait que je laisse… »). « On » est un partenaire de dialogue bien commode. Et « on » ne sera jamais là pour rectifier la pensée qu’on lui attribue.

Ce tribun, du reste, peut très bien être seul devant le miroir de sa salle de bain, un matin où ses pensées vont plus vers la politique que vers le rasage.

Il parle seul, il pérore, s’auto-convainc, il s’enfle, s’emballe, envisage toutes les oppositions, les prévient, les circonscrit, les étouffe, les englue…

Le principe n’est plus la caricature mais le pamphlet. Pousser une logique jusqu’à son absurdité la plus totale, sans que personne ne puisse avoir le temps ou l’autorisation de la contradiction saine. Bien sûr, c’est « trop ». Mais, hélas, la réalité nous semble flirter tellement souvent avec ce « trop » là. Et puis, heureusement, comme c’est « trop », on peut en rire et repousser sa frayeur. On rit, mais l’on se dit qu’un esprit malade pourrait bien, un jour, tenir des propos semblables. Parce que nous le savons bien, voyez le cas de la privatisation de TF1 : au début on présente le fiancé en disant qu’il propose du « mieux disant culturel » et quelques années plus tard, lorsque le mariage est consommé, le vieux marié avoue qu’il travaille pour « du temps de cerveau disponible ». Eh bien,  aujourd’hui, on durcit un peu les sanctions contre les jeunes par nécessité éducatives, on parle de privatisation des services publics, des problèmes de financements des prisons… Je me propose de nous placer quelques années plus tard, quand le marié ne s’encombrera plus de circonvolution verbale. Avec ce désir toujours profondément enfoui dans l’homme, indéracinable, de faire une société parfaite, idéale… Ah Idéal… Que n’a-t-on fait comme horreur en ton nom ?

Le personnage

Il pourrait s’appeler Toine Pif-Cosy.
Il est un mélange de toutes les démagogies. Ni de droite ni de gauche, bien au contraire.
Ce « Toine » peut aussi bien être Tony que Nicolas, avec un « Pif » qui s’entend comme un « Blair » et un « Cosy » dont hongrois tout savoir. Enfin, du mauvais jeu de mot (laid) pour mélanger les frontières et ne viser personne précisément mais tous les démagogues à la fois.
Ceux qui décident d’envoyer des réveils matins aux chômeurs pour leur apprendre à se lever le matin pour chercher du boulot (Tony Blair, de gauche, l’a fait à son arrivée au pouvoir en Grande-Bretagne, mais un socialiste allemand a, lui, conseillé à un chômeur de se couper les cheveux…), ou ceux qui argumentent sans rire sur la nécessité d’un test ADN pour sécuriser nos frontières (amendement de Thierry Mariani, de droite, dans le débat sur l’immigration et le regroupement familial)…

Mais j’ignore encore s’il est vraiment nécessaire de le nommer.

Parce qu’en même temps, comme c’est un monologue, et qu’il s’exprime (forcément) à la première personne, il est simplement l’auteur de son texte ; il y a donc, en lui, comme une contraction entre personnage créé et auteur en action. Il mélange son statut de politicien à une affirmation d’être Penseur, Auteur, Acteur de la chose publique… L’auteur du texte est ironiquement pris lui-même par le tournis de la logorrhée verbale qu’il débobine et qui l’entraîne à croire ce qu’il écrit. Personne à l’abri, en quelque sorte, surtout pas l’Auteur comme donneur de leçon au restant de l’humanité, un préchi-prêcheur de plus.
Non, l’Auteur, lui aussi, ridicule et enflé. Donc, qui parle ? Un personnage avec un nom ou l’Auteur fantasmé ? Plutôt la seconde possibilité. Parce que le con, c’est toujours l’autre. Et inversement : Pour l’autre, le con, c’est nous (« L’ennemi est un con, il pense que l’ennemi c’est nous, alors que l’ennemi c’est lui » Pierre Desproges). Du coup, moi, l’Auteur, je suis obligé de me mettre dans le tas de ceux que je veux ridiculiser, sans quoi, je ne suis qu’une enflure de plus. Et, à bien y réfléchir… je suis une enflure de plus.

Dominique Wittorski

Création :

Création scénique : les 10 et 11 mars 2009 au Nouveau Relax à Chaumont (Haute Marne)
et le 13 mars 2009 à l'Espace Louis Jouvet de Rethel (Ardennes)

Mise en scène : Jean-Marie Lejude.

 

Production : La Question du Beurre  (Cie Ardennaise) (en coproduction avec le Nouveau Relax (Chaumont) - l'Espace Louis Jouvet (Rethel))

Acteurs : 
 Dominique Wittorski 
 Caroline Guth 

Tournée :

du 07 au 29 juillet 09       Avignon (Caserne des Pompiers / ORCCA / Festival off) 20 repr.
le 4 décembre 09            Revin (Ardennes)
le 11 décembre 09          Poitiers (Election du bâtonnier du Barreau de Poitiers)
les 26-27 janvier10         Cébazat (Sémaphore)  2 repr.
le 5 février 10                 Vitry-le-François (La Salamandre)
les 11 et 12 mai 10         Epernay (le Salmanazar) 2 repr.
le 25 septembre 10         Buoux (rencontres Médiapart)
le 19 octobre 10              Epinal (ATP d'Epinal)
le 5 novembre 10            Montataire (Le Palace)
les 7, 8 et 9 janvier 11     Colombes (L'avant Seine) 3 repr.
20 jan 11                        Saint Laurent (08) (Lycée agricole)
le 7 avril 2011                 Rungis (L'Arc-en-ciel)
le 8 avril 2011                 La Chartreuse (Villeneuve les Avignon)
du 4 jan au 25 fev 12      Le Lucernaire ( Paris) 40 repr.
les 15 et 16 mai 12         Nouméa (Théâtre de l'Île) 3 repr.